Deuxième guerre mondiale. Des scientifiques américains du Statistical Research Group au sein de l’Université de Columbia se demandent comment renforcer l’armurerie des avions bombardiers pour augmenter leurs chances de survie. Mais ils veulent eviter d’alourdir l’armurerie de ces avions Pour cela ils étudient les avions qui rentrent et analysent où se trouvent les impacts. Inévitablement, ils veulent renforcer le blindage des avions là où il y a le plus d’impact. C’est logique.
Sauf que ça ne l’est pas. C’est un biais. Un statisticien du nom de Abraham Wald fait la remarque que si ces avions rentrent de combats malgré de nombreux impacts sur leur carlingues, cela démontre tout simplement qu’ils peuvent supporter un tel impact de balles à ces endroits. Mais qu’à l’inverse, c’est là ou il n’y a pas d’impacts qu’il faut renforcer le blindage. Pourquoi? Parce que ce sont les avions qui ont été touchés à ces endroits qui ne sont pas rentrés. Donc c’est là que se trouve les vulnérabilités à protéger…
Avant c’était mieux!
Ce statisticien fameux, qui a donné naissance à la discipline de ce qui s’appelle “Operational research” – plus de détails ici si vous êtes intéressés – n’est pas tombé dans l’un des nombreux biais humains dont nous souffrons. Le biais des survivants. C’est le biais qui fait que l’on regarde ce qui reste après un événement pour en tirer des conséquences. En oubliant par la même de prendre en compte toute une population importante: celle de ceux qui n’ont pas survécu à l’événement en question. Deux exemples classiques du biais du survivant sont:
1- Une personne qui sort d’un milieu social non avantagé et qui réussit à rentrer dans une prestigieuse université. On entend alors des phrases comme “avec le travail, il nous est possible de tout faire, quel que soit notre background social”. C’est vrai que travailler dur est important et permet, généralement, d’avoir des résultats. Mais cet analyse basée sur un individu qui a travaillé dur et a dépassé ls barrières est naturellement fausse car elle ignore les millions de personnes qui sont issues d’un milieu défavorisée et qui elles, malgré un travail dur, n’ont pas réussi.
2- Les personnes “d’un certain age” qui parlent de produits défaillant de nos jours et qui pointent du doigt un appareil ménager chez eux, acheté il y a 30 ans et qui fonctionne toujours. “De notre temps, les produits étaient solides!”. Oubliant bien sûr de prendre en compte les millions de produits défectueux qui sont passés entre leurs mains pendant ces 30 ans et qui, de mauvaise facture, n’ont pas survécu…
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Comment prendre en compte le biais du survivant en vente
Ce biais peut aussi être observé dans les équipes de ventes. En effet, lorsque l’on cherche à améliorer un processus de vente, on va naturellement chercher les améliorations possibles dans les clients gagnés. Et chercher à répliquer l’approche mise en place. C’est naturel. Mais on tombe alors dans le même travers que celui dans lequel les scientifiques américains ont failli tomber. On regarde les survivants.
Deux approches sont donc possibles. L’une plus efficace à mon avis.
1- Aller chercher dans les deals perdus ce qui a cause la perte du deal. Est-ce un commercial qui ne s’intéressait pas assez au prospect et qui trop tôt cherchait à fourguer son “produit / outil / plateforme ML machin bidule”, était-ce des fonctionnalités manquantes du produit, était-ce le prix trop élevé, etc…Cette approche est possible mais requiert une étude constante des deals. Difficiles d’aller poser ce genre de questions à des prospects perdus 6 mois auparavant. Donc c’est assez lourd. Faisable mais requiert de l’énergie.
2- Aller chercher dans les deals gagnés donc les survivants en effet mais avec un prisme bien spécifique. Demander à ces clients ce qui a failli faire capoter le deal. Leur demander quelles hésitations ils ont eu lors du processus et qui leur a presque fait hésiter à signer le contrat. Et donc, pour reprendre le parallèle des avions, chercher la faiblesse dans l’armurerie qui a failli faire en sorte que l’avion ne serait pas rentré. En faisant ceci, on peut mettre en place une approche d’amélioration continue, avec des itérations périodiques.
Bonus: sur le même sujet, une étude de HBR avait interviewé un groupe de prospects et un groupe de commerciaux qui avaient collaboré mais dont le deal avait échoué. Il avait été demandé à chaque groupe la liste des raisons pour lesquelles le deal n’avait pas été conclu. Vous savez bien sûr la raison numéro 1 invoquée par les commerciaux (… oui, le prix au cas improbable ou vous hésiteriez). Le prix par contre n’était qu’en position 5. La raison numéro un invoquée par les prospects n’était autre que “ils ne nous comprennent pas”. Donc si vous n’avez pas complètement abandonné l’idée que vos commerciaux soit plus intéressés à comprendre vos prospects et moins interessant avec leurs présentation et démos, contactez moi, je veux bien bloquer un créneau dans mon agenda pour voir si je peux vous aider et si l’un de mes programmes de développement des ventes est applicable dans votre organisation.